Le vieillissement c’est-à-dire la hausse de la population des personnes âgées dans l’ensemble de la population, va entraîner des réels effets économiques. En effet, les personnes âgées sont certes des inactifs mais aussi des consommateurs et des épargnants.
Or on sait que la consommation comme moteur des débouchés des entreprises et à l’inverse l’épargne comme source de financement des investissements sont des variables économiques déterminantes pour la croissance. Il est donc nécessaire d’avoir un taux d’épargne au niveau macroéconomique adapté aux besoins de financement de l’investissement, sachant que l’épargne est définie comme un résidu de la consommation, c’est-à-dire l’épargne est ce qu’il reste du revenu après la consommation et le versement des impôts.
Un manque d’épargne national nécessite de se financer à l’étranger ce qui pèse sur le solde de la balance des paiements ; un surcroît d’épargne pèse sur la consommation et donc la demande globale qui représente un débouché pour les entreprises.
Il est donc intéressant de comprendre dans quelle mesure le vieillissement démographique, ici pris comme un facteur exogène, peut influer sur l’économie, et en particulier sur l’épargne.
Limites des modèles économiques
S’il est un domaine où la théorie a mis en évidence des liens entre évolutions démographiques et comportements économiques, c’est bien celui de l’épargne et de la consommation. Le modèle le plus couramment avancé en la matière est celui du » cycle de vie « , qui a valu à son auteur, Franco Modigliani, le prix Nobel d’Economie.
Selon ce modèle, les individus souhaitent maintenir le niveau de leur consommation tout au long de leur âge adulte. Leur revenu évoluant en fonction de leur âge, l’épargne, qui est le solde entre la consommation et le revenu, évoluerait également avec l’âge. Au début de la vie active, lorsque le revenu est faible, les individus s’endettent (leur épargne est négative) ; par la suite, le revenu croît jusqu’à dépasser le niveau de consommation souhaité, ce qui se traduit par une épargne positive ; avec la retraite, le revenu décroît et les individus désépargnent à nouveau (en » consommant » leurs économies).
Si l’on s’en remet à ce modèle, l’épargne augmenterait à moyen terme compte tenu de l’augmentation de la part des 50-60 ans dans la population totale ; à long terme, soit à partir des années 2010, l’épargne baisserait en raison de l’augmentation de la part des retraités.
Ce modèle » traditionnel » décrit cependant très mal les évolutions récentes :
– il est en effet affecté par le niveau des revenus des retraités, comparable aujourd’hui à celui des actifs, et par son évolution, plus rapide que celle du revenu des actifs (cf. graphique ci-dessous) :
– ce modèle est également altéré par les anticipations des agents économiques en matière de retraite : s’ils ont l’impression que les régimes de retraite sont menacés, ils peuvent accroître leur épargne en recourant à des produits financiers ;
– enfin, il n’est pas conforté par les observations sur les niveaux d’épargne par catégories d’âge : les personnes de plus de 60 ans ont un taux d’épargne plus élevé que la moyenne (cf. graphiques ci-dessous).
Ceci peut certes s’expliquer par la progression des retraites, mais aussi par le souci de transmission du patrimoine aux générations suivantes, dont les difficultés d’insertion professionnelle sont très clairement ressenties par les sexagénaires, notamment en raison de la place pivot qu’ils occupent dans la succession des générations.
Ainsi, les réflexions sur le partage du revenu entre consommation et épargne dans une population vieillissante ne mettent pas en évidence de conclusions nettes. On peut néanmoins avancer, de manière assez robuste, que tant qu’il y aura une incertitude sur la pérennité des régimes de retraite, les individus seront incités à épargner au-delà de ce qui est nécessaire au financement d’une croissance équilibrée.
D’une manière générale que le taux d’épargne des plus de 65 ans est plus élevé que celui de l’ensemble de la population
On a longtemps cru que ces générations étaient peu réceptives aux sollicitations de la société de consommation et que notre société était très sensible à la transmission aux générations futures. Cela semble moins vrai avec la génération qui arrive aujourd’hui à la retraite.
A cela s’ajoute un phénomène nouveau : la montée des inquiétudes, pour la retraite, la dépendance, la situation des descendants. Elles sont à l’origine d’un renforcement de l’épargne. C’est là un retournement par rapport aux périodes passées. Le fait que les dispositifs publics ne résolvent pas totalement le problème accroît ce sentiment d’incertitude.
Il y a donc une logique de sur-épargne, alors que l’héritage arrive de plus en plus tard (55 ans en moyenne) et que la double activité des couples devrait accroître les revenus des futurs retraités.
L’épargne devient plus financière, avec un goût certain pour l’absence de risque, notamment les produits d’assurance vie. Le rapport à l’argent se modifie. L’accumulation de patrimoine pour transmission diminue sérieusement, y compris chez les retraités ou les seniors, dont le comportement se rapproche de celui de leurs homologues anglo-américains, qui préconisent (mais n’adoptent pas toujours) la jouissance immédiate de ce qui a été accumulé.
Le taux d’épargne augmente avec le vieillissement démographique
L’âge important est bien de 80 ans, au lieu des 75 ans considérés actuellement dans toutes les segmentations. Le seuil d’entrée dans la vieillesse recule, comme reculera l’âge de fin d’activité. L’âge de la vieillesse sera proche de 82 ans en 2040, et il n’y aura pas de progression de la proportion de « vieux » dans la société, même avec un accroissement des plus de 60 ans. Dans dix ans, le comportement d’épargne des personnes âgées de 80 ans sera proche de celui des personnes qui ont aujourd’hui 72 ans.
Par ailleurs, la montée des divorces après 55 ans (en raison de l’autonomie financière croissante des femmes à cet âge) et les remariages et naissances d’enfants à des âges élevés modifieront le rapport à l’argent et au patrimoine. Il n’y aura probablement pas de conflit de générations, mais un développement des aides intergénérationnelles (donations notamment). Un développement du reverse mortgage anglo-saxon pourrait également se produire s’il est adapté intelligemment en France.
Le vieillissement est essentiellement dû à l’allongement de l’espérance de vie et celle-ci est amplifiée par une diminution de l’incertitude sur la durée de vie. En théorie, l’allongement de la durée de vie doit amener un supplément d’épargne des personnes actives, d’autant plus qu’elles anticipent une moindre générosité publique, puis une baisse de l’épargne, quand le nombre de retraités progresse.
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