Il n’est pas rare de voir des études sur le marché des seniors aboutir à des conclusions radicalement opposées. Que ce soit dans les secteurs du marketing, de la santé ou de la Silver Économie. Cette disparité soulève des questions. Pourquoi est-il possible de lire des conclusions totalement contraires sur un même sujet concernant les seniors ? Plusieurs raisons expliquent ces divergences.
Des études de cabinets prestigieux qui se contredisent
Récemment, j’ai dirigé une étude pour un grand groupe français qui souhaitait approfondir des recherches menées par deux cabinets de conseil réputés. Notre mission ? Continuer la réflexion sur l’orientation stratégique à adopter vis-à-vis des seniors. Et valider ou infirmer les conclusions des études déjà réalisées. Cependant, à la lecture des deux rapports, nous avons constaté un phénomène surprenant : alors qu’un cabinet recommandait de cibler les seniors, l’autre conseillait de ne pas s’engager sur cette voie.
Cette divergence est loin d’être exceptionnelle. On observe ce phénomène dans de nombreux secteurs d’activité, en particulier ceux qui concernent les seniors. Cela peut se produire aussi pour d’autres générations, mais cela semble encore plus fréquent pour cette cible spécifique. Pourquoi ?
Une définition large et des cibles différentes
La première explication réside dans la définition même de la population senior. Regrouper toutes les personnes de plus de 50 ans, voire de plus de 60 ans, dans un seul segment. Cela revient à créer un groupe massif et extrêmement diversifié. Ainsi, certaines études peuvent être réalisées sur des seniors de 75 ans, puis extrapoler les résultats à l’ensemble de la population senior, y comprenant les plus jeunes. À l’inverse, certaines études se basent sur les jeunes seniors et appliquent leurs conclusions aux plus de 70 ans.
Cette méthode d’extrapolation fausse les résultats. La population senior est loin d’être homogène. À âge égal, les modes de vie, les habitudes de consommation, les attentes et les besoins varient considérablement. Par exemple, un senior de 60 ans actif, en pleine carrière professionnelle, n’aura pas les mêmes préoccupations qu’un senior de 75 ans à la retraite.
Un manque de rigueur méthodologique
Un autre facteur à prendre en compte est la méthodologie employée pour ces études. Le traitement médiatique des résultats joue aussi un rôle majeur dans la perception du marché des seniors. Avec notre site AgeEconomie.com , nous recevons régulièrement des communiqués de presse sur des études réalisées auprès des seniors. Pour que notre travail soit pertinent, nous devons toujours analyser la méthodologie de l’étude : qui a été concentrée ? Commentaire ? Par quel biais ? Certaines études sont exercées sur Internet, d’autres par téléphone, et certaines encore lors d’entretiens en face à face. Le canal utilisé influence énormément les résultats.
Cependant, de nombreux médias, pour rendre leurs articles plus attractifs, généralisent des conclusions spécifiques. Un titre accrocheur et une information simplifiée permettent d’attirer plus de lecteurs, mais cela au prix de la précision. Il en résulte des conclusions qui, bien que basées sur des échantillons non représentatifs, sont parfois appliquées à l’ensemble de la population senior.
Un sous-investissement dans le recrutement et la méthodologie
La Silver Économie et le marché des seniors souffrent également d’un manque d’investissement en matière de recrutement et de méthodologie d’étude. Lorsque j’ai débuté mon activité il ya 25 ans, la situation était similaire. Par exemple, pour l’organisateur des focus groups, la plupart des clients demandaient de recruter des seniors, mais sans vouloir payer pour une recherche qualitative de qualité. Les participants étaient souvent choisis au hasard, sans critères précis. Cela a donné lieu à des résultats tout aussi aléatoires.
Avec le temps, nous avons imposé une rigueur dans le recrutement des seniors pour nos études qualitatives. Nous passons par des sociétés spécialisées, avec des persona très précises à respecter. Pourtant, tous les acteurs du marché ne font pas cet effort. Il existe encore des entreprises qui réalisent des études rapides, en interrogeant des seniors pris au hasard lors de salons ou événements dédiés, ce qui produit des résultats biaisés. Ces études superficielles envoient bien souvent des chefs de projet dans des directions stratégiques erronées.
Le biais de confirmation et les études orientées
Une troisième explication des divergences dans les conclusions réside dans les biais cognitifs, notamment le biais de confirmation. Le biais de confirmation est la tendance naturelle à privilégier les informations qui confortent nos idées reçues, nos préjugés ou nos hypothèses. Cela signifie que si un entrepreneur est convaincu que son produit est idéal pour les seniors, il va, sans même s’en rendre compte, chercher à interpréter les résultats d’une étude en faveur de cette idée.
Ce phénomène est d’autant plus marqué lorsqu’il s’agit de seniors. L’immensité et la diversité de cette cible permettent souvent de trouver des données qui confirment presque n’importe quelle hypothèse, si l’on se concentre uniquement sur certains segments de la population. Ainsi, il est facile de généraliser les conclusions d’un groupe de consommateurs seniors à l’ensemble de cette population, alors que cela ne devrait pas être le cas.
Des seniors proactifs, mais pas toujours représentatifs
Enfin, il est souvent plus simple de recruter des seniors proactifs pour des études, en particulier celles qui impliquent l’utilisation de produits sur une période prolongée. Ces seniors, par définition, appartiennent déjà à une catégorie particulière de la population : ils sont actifs, engagés et souvent ouverts à la nouveauté. Cela peut fausser les conclusions, car ils ne représentent pas l’ensemble des seniors.
Récemment, je suis tombé sur une étude portant sur l’enrichissement en protéines des aliments pour seniors. Si l’on ne fait pas attention à analyser les résultats en fonction des profils spécifiques des participants, on risque de tirer des conclusions généralisées pour toute la population senior. Cela peut conduire à des orientations stratégiques erronées.
Conclusion : Des études erronées, des stratégies biaisées
En résumé, le marché des seniors est une cible vaste, hétérogène et difficile à cerner. Les méthodologies employées pour les études ne sont pas toujours rigoureuses, et la diffusion d’informations par les médias brouille souvent les cartes. Ainsi, il est facile de se baser sur des données erronées pour définir des stratégies.
Chez les agences de conseil comme la nôtre, Senior Strategic, avec plus de 20 ans d’expérience, nous devons également faire attention à ne pas projeter nos propres croyances sur le marché des seniors. Cela exige une agilité mentale et une grande rigueur dans l’analyse des résultats. C’est pourquoi il est crucial de toujours prendre du recul avant de donner un avis définitif sur le marché des seniors, sans une réflexion approfondie.
Comment aller plus loin ?
- La participation à une de nos formations
- L’organisation d’ateliers de réflexion et de mise en pratique de cette solution
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