L’innovation dans le domaine du bien vieillir est un processus continu. Ce secteur est vaste et touche presque tous les domaines d’activité.
Chaque année, des concours et appels à projets visent à identifier les innovations les plus prometteuses.
Le concept de bien vieillir est large. On pense souvent qu’il faut commencer tôt, avec l’activité physique ou l’alimentation, par exemple. Pourtant, la plupart des gens s’y intéressent une fois que des problèmes de santé apparaissent ou après une prise de conscience liée à des événements personnels, comme la maladie d’un proche.
Il y a donc deux catégories : ceux qui agissent pour leur bien-vieillir depuis longtemps, et ceux qui commencent après une alerte, que ce soit un problème de santé ou un conseil médical.
L’exemple de l’alimentation enrichie
Prenons l’exemple d’une étude récente sur l’acceptabilité des aliments enrichis en protéines, publiée en 2024. L’objectif était d’apprendre aux seniors à améliorer leur alimentation avec des recettes adaptées.
Les résultats ? Beaucoup de seniors étaient réticents à l’idée d’utiliser des protéines jugées non naturelles, comme la poudre de protéines. Ils craignaient aussi de passer plus de temps à cuisiner et manquaient de connaissances sur l’importance des protéines en vieillissant.
Quant au goût, la plupart des seniors n’ont pas vu de différence. Malgré cela, seulement 20 % ont exprimé l’intention de continuer à enrichir leur alimentation en protéines, bien qu’ils aient compris les avantages.
En croisant ces résultats avec d’autres études, on observe que ces 20 % sont des « seniors initiés », déjà préventifs par nature. Cet exemple montre combien il est difficile de faire adopter des innovations, même avec un accompagnement.
D’autres études révèlent que certains seniors ne changent leurs habitudes qu’après une alerte plus importante, comme un médecin leur disant que, sans changement, ils devront prendre des médicaments.
Ce phénomène se retrouve dans plusieurs domaines : l’activité physique, la mobilité, ou l’aménagement du domicile.
Cela explique pourquoi certaines innovations, bien qu’attrayantes sur le papier, peinent à séduire. Elles sont souvent adoptées par ceux déjà convaincus, alors que le défi est de toucher ceux éloignés de la prévention.
Des pistes les innovations du Bien Vieillir
Dans cet article, je voulais explorer quelques pistes pour contribuer au succès de ces innovations
1. Basé sur les piliers
Il y a quelques années, nous avons mené une étude sur les besoins prioritaires des seniors, ce qui nous a permis de développer la matrice des besoins des seniors.
Les quatre besoins principaux étaient : rester en vie, garder la santé, assurer sa sécurité financière, et aimer.
Les innovations basées sur ces besoins fondamentaux ont naturellement plus de chances de capter l’attention des seniors et d’être adoptées.
Plus une innovation répond à ces besoins, plus elle a de chances de réussir.
En observant de plus près, la majorité des innovations pour le bien vieillir peut être placée dans l’un de ces besoins.
Il s’agit simplement de bien positionner l’innovation et de communiquer clairement sur l’importance de ces besoins. Attention toutefois à ne pas être trop explicite sur des besoins comme « rester en vie ». Une approche trop directe peut rebuter une partie des seniors, en particulier ceux déjà en mode prévention.
2. Cohérence avec les usages
Le second point est la nécessité d’ancrer les innovations dans les usages déjà adoptés par les seniors.
Dans le cas de l’alimentation, par exemple, la plupart des études montrent que les seniors refusent souvent les innovations qui nécessitent un changement d’habitudes.
Avec l’âge, changer devient plus difficile. Cela peut s’expliquer par une fatigue perçue, ou même par des croyances liées à une plasticité cérébrale réduite.
Si l’innovation demande un changement d’usage, elle sera plus difficile à faire accepter.
Non seulement il faudra convaincre et enseigner ce nouvel usage, mais aussi démontrer que le produit répond aux attentes.
Les innovations qui réussissent sont celles qui se basent sur des comportements déjà ancrés chez la génération ciblée.
Les différences générationnelles jouent également un rôle. Les jeunes seniors peuvent avoir des habitudes et des comportements différents des générations plus âgées.
3. Cohérence du degré de conscience
Les études sur l’alimentation révèlent que beaucoup de seniors ont des croyances erronées, souvent dues à des informations incomplètes. Par exemple, une grande partie ne sait pas qu’il faut consommer plus de protéines en vieillissant, car le corps les digère et les assimile moins bien.
Il n’y a donc pas de réelle conscience de l’importance d’augmenter sa consommation de protéines.
Comme pour les habitudes, il est difficile de convaincre quelqu’un qui n’a pas conscience des risques qu’il encourt. Ce n’est pas de la procrastination, mais une absence totale de prise de conscience.
Grâce à la « MatriceCC » que j’ai développée, nous voyons qu’il est plus simple d’innover pour ceux qui sont déjà conscients de leur fragilité et de l’importance d’une alimentation équilibrée et de l’exercice.
4. Cohérence avec les croyances des seniors sur le bien vieillir
Les croyances influencent fortement l’acceptation des innovations par les seniors, comme par les autres générations.
Certaines croyances positives encouragent l’adoption des innovations. Par exemple, ceux qui croient qu’il est possible de maintenir une bonne santé à tout âge ou que l’alimentation et le sport prolongent la vie.
À l’inverse, des croyances négatives freinent l’usage des innovations. Comme penser qu’il est trop tard pour changer, ou qu’on a encore du temps, ou que prendre soin de soi en vieillissant montre une faiblesse.
Dans le domaine de l’alimentation, beaucoup de seniors pensent qu’il faut manger moins de protéines en vieillissant, croyant qu’ils dépensent moins d’énergie.
Proposer une innovation qui heurte ces croyances est vain. Il faudra d’abord les ébranler avant de pouvoir promouvoir le produit ou le service.
Il est donc crucial de bien comprendre ces croyances et les valeurs associées pour s’assurer que l’innovation respecte ces éléments.
5. Cohérence avec les intérêts des prescripteurs
Proposer des innovations directement aux seniors (BtoC) est souvent compliqué, surtout pour les acteurs méconnus.
Les raisons sont nombreuses : même si les jeunes seniors sont plus ouverts à l’innovation, le changement reste lent. L’adoption d’innovations éloignées des habitudes actuelles peut donc s’avérer difficile.
C’est pourquoi de nombreux acteurs du Bien Vieillir passent par des prescripteurs : collectivités, assureurs, ou toute personne en contact avec les seniors.
Mais les prescripteurs ont aussi leurs propres objectifs. Il faut donc s’assurer que l’innovation réponde non seulement aux attentes des seniors, mais aussi à celles des prescripteurs.
Dans l’alimentation par exemple, certaines innovations sont intéressantes, mais difficilement commercialisables en grande distribution, à cause de contraintes liées aux volumes, aux dates de péremption et aux moyens de conservation.
6. Tenir compte des politiques des financeurs
Ce point rejoint celui des prescripteurs. Certaines innovations liées au Bien Vieillir rencontrent des difficultés de financement. Dans une société où la prévention est peu valorisée et où beaucoup pensent que la santé est gratuite grâce à notre système de santé, les seniors ne sont pas toujours disposés à payer pour ces innovations.
Bien sûr, cela varie selon les types de seniors.
Cependant, dans de nombreux cas, les innovations sur le Bien Vieillir devront être financées par un tiers. Ce tiers peut être une caisse de retraite, un assureur, un acteur de prévoyance, etc.
Il est donc crucial que l’innovation réponde aux critères de sélection de ces financeurs. Ces critères sont souvent très précis et évoluent avec le temps.
Par exemple, on constate que dans les actions de prévention, les seniors qui participent sont souvent déjà convaincus de l’importance de la prévention et adoptent des comportements en ce sens.
Ainsi, certains financeurs s’interrogent sur l’efficacité des actions financées pour atteindre réellement la cible souhaitée.
7. Cohérence de la cible Senior
Les personnes de plus de 60 ans, communément appelées seniors, constituent une catégorie très hétérogène.
Sur les sujets du Bien Vieillir et de la santé, cette hétérogénéité est encore plus marquée.
Il existe des seniors plus ou moins réceptifs aux innovations de prévention pour le Bien Vieillir. La majorité n’adopte ces innovations qu’après un signal d’alerte ou un incident. C’est souvent la peur d’une dégradation de leur santé qui pousse à l’utilisation d’innovations.
Dans une étude menée il y a deux ans, nous avons défini une typologie des seniors en fonction de leur appétence pour la prévention et leur intérêt pour les innovations liées au Bien Vieillir.
8. Efficacité perçue et réelle reconnue des solutions du bien vieillir
Il existe un profil de seniors qui consomme le plus de produits et services de la Silver Économie ainsi que des innovations liées au Bien Vieillir. Voici ses principales caractéristiques.
Ces seniors considèrent la santé comme une valeur primordiale. Ils ont souvent une orientation vers le futur, ce qui leur permet de se projeter dans les étapes à venir de leur vie. Ce profil est également « mental », c’est-à-dire qu’ils privilégient une approche analytique dans leurs décisions, accumulant de nombreuses informations pour comprendre leur environnement et anticiper le futur.
Ce profil est donc le plus enclin à adopter des produits et services du Bien Vieillir. En effet, ce sont eux que l’on retrouve principalement dans les actions de prévention.
Cependant, une difficulté se présente : ces seniors ont accumulé beaucoup d’informations et tiré de nombreuses conclusions. Ils sont souvent les plus difficiles à convaincre face aux innovations, car ils prennent le temps de réfléchir et de vérifier si l’innovation proposée offre réellement un bénéfice pour eux.
Par exemple, si l’on explique qu’il est bénéfique de mélanger protéines animales et végétales dans un même repas, ils iront d’abord se renseigner avant de croire cette affirmation.
En fin de compte, ils se forgent une idée assez précise de la véracité des bénéfices annoncés pour une innovation.
9. Communiquer avec tact sur le bien vieillir
Ce point rejoint le précédent. Les personnes les plus enclines à adopter des innovations sur le Bien Vieillir sont celles qui correspondent au profil déjà décrit. Ces individus ont souvent longuement réfléchi à leur avenir et connaissent bien les conséquences de leurs actions actuelles.
Ils sont déjà conscients des risques liés à la fragilité, à l’isolement, et d’autres enjeux liés au vieillissement. C’est pourquoi la communication doit être soigneusement calibrée. Il ne s’agit pas de leur rappeler explicitement les difficultés qu’ils rencontrent, mais plutôt de les suggérer subtilement en introduisant votre service.
Les rappeler directement à leurs difficultés peut les contrarier et engendrer des émotions négatives, telles que la peur ou la colère. En étant suffisamment vague sur certaines situations, et en les laissant interpréter les messages par eux-mêmes, il devient plus facile de leur faire accepter les innovations du Bien Vieillir.
Comment aller plus loin ?
- La participation à une de nos formations
- L’organisation d’ateliers de réflexion et de mise en pratique de cette solution
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