Dans le domaine de la prévention santé, l’un des défis majeurs est de comprendre pourquoi certaines actions, notamment celles liées aux changements de comportement « par la volonté », ne perdurent pas dans le temps. Cet article explore en profondeur du « leurre de la prévention » et ses implications pour l’adoption de comportements de prévention pour la santé.
1. La Volonté, un Pilier Fragile du Changement
De nombreuses initiatives de prévention reposent sur l’idée que la volonté suffit pour modifier durablement les comportements. Cependant, d’un point de vue neuroscientifique, cette approche est particulièrement limitée :
- Un contrôle limité par le cortex préfrontal :
La volonté est principalement associée au cortex préfrontal, une région cérébrale chargée du contrôle cognitif et de la prise de décision. Bien que cette zone soit essentielle, elle est relativement jeune dans l’évolution du cerveau et moins robuste que les circuits plus anciens qui gouvernent nos comportements habituels. En situation de stress, de fatigue ou face à des émotions intenses, le cortex préfrontal est rapidement submergé, laissant place à des réactions impulsives qui contrecarrent les décisions rationnelles. - L’illusion d’un combat gagnable :
En mettant exclusivement sur la force de la volonté, les programmes de prévention donnent l’illusion que l’on peut vaincre les pulsions naturelles. Pourtant, ces pulsions sont profondément ancrées dans des circuits neuronaux anciens, développés pour favoriser la survie de nos ancêtres.
2. Le Rôle du Système de Récompense et la Formation des Habitudes
Le comportement de prévention n’est pas simplement le fruit d’un choix conscient. Il s’inscrit dans une boucle complexe de récompense et d’habitudes :
- Le système dopaminergique à l’œuvre :
Les habitudes sont principalement gérées par des réseaux neuronaux anciens, notamment le système de récompense dopaminergique. Ce système, qui orientait autrefois nos ancêtres vers les ressources nécessaires à leur survie, est aujourd’hui exploité par l’industrie agroalimentaire. Par exemple, les aliments riches en sucres et en graisses activent ce circuit, générant un plaisir immédiat et renforçant des comportements de consommation excessive. - Les limites de l’intervention par la volonté :
Puisque ces boucles neuronales opèrent en grande partie en dehors du contrôle conscient, s’appuient sur la volonté pour modifier ces comportements revient à lutter contre une force bien plus ancienne et puissante. L’équation du changement d’habitude, telle que démontrée par les neurosciences, n’intègre pas la volonté comme variable décisive, ce qui explique en partie pourquoi les régimes échouent souvent à produire des résultats durables.
3. Le Cycle du Yo-Yo et la Culpabilisation
L’un des aspects les plus dommageables du « leurre de prévention » est le cycle répétitif de « progrès » et « d’abandon », accompagné d’un sentiment de culpabilité :
- Le phénomène du yo-yo :
De nombreuses personnes qui adoptent des comportements stricts constatent une amélioration initiale, suivie d’un regain souvent supérieur. Ce cycle récurrent est le reflet d’une lutte contre des mécanismes cérébraux puissants. L’inefficacité des approches basées uniquement sur la restriction met en lumière la nécessité de repenser la manière dont nous abordons le changement de comportement. - La culpabilisation et ses conséquences :
Prenons l’exemple, des régimes. L’industrie des régimes tend à véhiculer le message simpliste que « calories consommées < calories dépensées », laissant la responsabilité de l’échec sur l’individu. Cette culpabilisation ne fait qu’amplifier le stress et les émotions négatives, renforçant ainsi les habitudes négatives. Au lieu de comprendre et de modifier les circuits de récompense, l’individu se retrouve pris dans un cycle de frustration et d’échec.
4. Implications pour l’Adoption des Comportements de Prévention pour la Santé
Pour les professionnels du marketing qui souhaitent promouvoir des comportements de prévention pour la santé, ces insights neuroscientifiques offrent des clés pour repenser les stratégies d’intervention :
- Redéfinir la communication :
Plutôt que de promouvoir des messages axés sur la simple force de volonté, il est essentiel de mettre en avant des approches intégrant la compréhension des mécanismes d’habitudes. L’accent devrait être mis sur l’éducation autour du fonctionnement du cerveau et sur l’adoption de stratégies plus efficaces, comme la pleine conscience. - Intégrer des outils exploités sur la pleine conscience :
Des techniques telles que le RAIN (Reconnaître, Accepter, Investiguer, Noter) permettent aux individus de gérer leurs envies en prenant conscience de leurs sensations et émotions. Ces pratiques présentent une réorganisation des circuits neuronaux, offrant ainsi une alternative durable aux méthodes traditionnelles. - Valoriser des approches empathiques :
Comprendre que l’échec d’une action de prévention, n’est pas un échec personnel, mais le reflet de mécanismes cérébraux bien établis, permet de concevoir des programmes de prévention qui valorisent la compassion envers soi-même. Une communication bienveillante et basée sur des preuves scientifiques peut ainsi contribuer à améliorer l’adhésion et la persistance des comportements de prévention pour la santé.
Conclusion
Le « leurre de prévention » nous rappelle que les stratégies basées uniquement sur la volonté sont en décalage avec le fonctionnement réel du cerveau.
Pour l’adoption de comportements de prévention pour la santé, qui visent à instaurer des changements durables et à améliorer le bien-être général, adopter des approches fondées sur la neuroscience et la pleine conscience apparaît comme une solution prometteuse.
En intégrant ces connaissances dans leurs campagnes, les professionnels de la prévention peuvent contribuer à une transformation durable des comportements, en remplaçant la culpabilisation par l’autonomisation et une compréhension approfondie des mécanismes de l’habitude.
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