Encore un mois où nous apprenons l’arrêt de plusieurs projets sur la Silver économie et le marché des seniors.
Je n’aime pas parler d’échec, mais simplement de projets qui n’ont pas atteint les objectifs fixés par les porteurs de ces projets, malgré toute leur énergie.
La frustration que je ressens vient du fait que la grande majorité de ces échecs aurait pu être évitée.
Je ne pouvais pas dire cela lorsque j’avais 5 années d’expérience.
Maintenant, avec mes 25 ans d’expérience sur le marché des seniors, des centaines de projets accompagnés, des centaines de focus groups et des milliers d’entretiens avec des seniors, je suis capable, comme d’autres (je pense à Benoît Goblot mon confrère), de voir assez rapidement si un projet est viable ou pas.
Et régulièrement, je rencontre des projets dont la stratégie ou le positionnement ne sont pas corrects.
Par exemple, récemment, j’ai vu une entreprise qui souhaitait proposer ses services à des téléassisteurs à des prix beaucoup trop élevés. Et le chef d’entreprise continue.
Ce échec inutile
Un peu avant, j’avais vu un porteur de projet d’un robot, qui voulait proposer ce robot pour la levée de doute à distance auprès des personnes âgées, avec une nécessité de mettre un prix qui était dix fois supérieur à ce que les aînés peuvent payer.
Il y a 3 mois, c’était une entreprise dont le produit n’aurait pas répondu aux éléments les plus importants attendus par les seniors dans son activité.
De nombreux projets ne répondent pas aux attentes des financeurs.
Et ce qui est le plus triste, c’est que ces entrepreneurs se sont faits amadouer et anesthésier car ils ont eu des prix, ils ont été acceptés par les instances de la Silver économie. On leur a dit que leur projet était “magnifique” alors que des failles béantes étaient présentes (souvent pour les brosser dans le sens des poils).
Avec 25 ans d’expérience sur le marché des seniors, on voit très rapidement dans 80 % des projets si la stratégie est correcte ou pas.
L’importance de l’expérience
Les 20 % restants sont des projets très spécifiques et qui demandent d’aller étudier et interviewer des acteurs qui connaissent bien le secteur pour pouvoir avoir un avis objectif.
Comprendre le sens d’un projet, n’exclut pas une étude et une co-construction avec les Seniors – concernés -, avec les partenaires, financeurs, distributeurs… concernés.
Vous avez des associations professionnelles dans la Silver économie qui acceptent les entreprises en tant que membres. L’intérêt de ces associations n’est pas nécessairement de faire réussir chacun de ces membres, mais plutôt (ou en priorité) d’ajouter un nombre de membres toujours plus important.
Ensuite, nous avons un autre profil d’entrepreneur, que d’ailleurs j’ai rencontré au dernier Silver Economy Expo, qui est totalement persuadé (voir “habité) de sa stratégie. Souvent, c’est la méthode Coué.
Fuite en avant
Ce chef d’entreprise était fier, et c’est compréhensible, de son produit. Il répétait en boucle les bénéfices de son produit alors que je venais de lui expliquer un défi, pour ne pas dire un problème très important qu’il allait rencontrer. Je lui ai expliqué que son produit n’était pas vraiment conçu – correctement – pour les seniors, mais au contraire qu’il allait frustrer les seniors et les faire fuir.
J’avais beau lui dire que je connaissais bien ce secteur, que j’avais accompagné des concurrents, il était sûr de son chef. Il faut avouer que le produit est déjà très avancé et probablement trop pour le modifier.
Je me souviens également d’une émission “Le Grand Entretien” que j’ai réalisée avec un investisseur avec qui je discutais d’un investissement qu’il avait réalisé dans la Silver économie. Je lui ai expliqué que je ne comprenais pas son investissement, dans ce secteur d’activité très précis. Aucun des acteurs n’était arrivé à trouver la solution pour faire croître son activité. Tous les projets dans son secteur d’activité vivotaient.
Il m’a répondu : « Nous avons investi car nous croyons en la capacité de ces dirigeants – qui ont déjà réussi avec d’autres start-up – à craquer le marché ». Au moins, il avait conscience de la difficulté.
Quelques années plus tard, l’entreprise n’existe plus.
De nombreux projets peuvent réussir. Tout dépend de l’objectif que le porteur du projet se fixe.
Mais beaucoup des projets que nous rencontrons n’ont pas d’avenir en raison d’une stratégie ou de l’entêtement du porteur de projet qui est flatté par un environnement qui a un intérêt différent.
Un point de bascule
Beaucoup d’acteurs du marché des seniors qui se sont arrêtés m’ont dit après leur échec : « Vous avez retenu raison, j’aurais dû suivre vos conseils. »
Avoir raison n’est pas un objectif ni vraiment intéressant, après coup. D’ailleurs, on a toujours raison et toujours tort en fonction du référentiel que l’on peut se donner.
Pendant des années, je ressentais de la frustration quand je voyais des porteurs de projet foncer dans le mur en klaxonnant.
Finalement, on peut vraiment sentir quasiment instinctivement les chances de succès d’un projet qu’avec un très grand nombre d’années d’expérience et de pratique.
C’est en passant des centaines et des centaines d’heures avec les seniors sur différents sujets qu’on est capable de comprendre leurs attentes et l’adéquation d’un produit avec leurs attentes, envies, besoins, valeurs, usages…
Et c’est à ce moment-là que l’on peut analyser les projets de la Silver économie, mais aussi d’autres secteurs d’activité, de manière plus lucide et plus objective.
Cela ne veut pas dire qu’on a raison tout le temps.
Dans l’échelle des entreprises que j’ai rencontrées ces 25 dernières années, j’ai pu noter que tous les chefs d’entreprise qui se montraient sûrs (sans aucun doute) de leur stratégie ont quasiment tous échoué (sauf les entrepreneurs déjà expérimentés dans le même secteur).
Certains se montrent sûrs d’eux mais au fond, ils laissent une part de doute.
Certains entrepreneurs sont convaincus car ils sont victimes d’acteurs qui les acceptent pour avoir des contacts supplémentaires. D’autres sont victimes d’études qui ont été communiquées dans des situations spécifiques et des angles spécifiques, et qui ont ensuite été généralisées.
Certains entrepreneurs vont être trompés par des chiffres démographiques à long terme. D’autres vont être anesthésiés par les prix et subventions qu’ils peuvent recevoir.
Dommage car avant un point de bascule, il est possible de corriger une trajectoire, ou au minimum d’éviter qu’un entrepreneur grille ses économies inutilement.
Comment aller plus loin ?
- La participation à une de nos formations
- L’organisation d’ateliers de réflexion et de mise en pratique de cette solution
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